Au 7ème jour de notre tour dans la campagne mongole, nous nous sommes retrouvé.e.s bloqué.e.s aux portes de Khujirt, petite ville que nous voulions traverser pour rejoindre notre camp du soir, près d'une jolie cascade.

Barrage policier. Villes fermées durant les 3 jours de célébration du Nouvel An Lunaire. Demi-tour impossible à cause des routes enneigées et de la nuit tombante. Proposition de dormir dans la voiture. -10°C. Hors de question. Coups de fil à l'ambassade. Négociations avec les autorités. 3h d'attente. Prise de nos températures, plusieurs fois. Aucun.e de nous n'a plus de 38°, ouf. Escorte jusqu'à un centre médical, duquel nous ne pourrons pas sortir pendant 2 jours. 


Au cours de ces deux jours, nous apprenons que l'interdiction de circulation dans le pays se prolonge jusqu'au 3 mars. Bien. Une semaine ici. Un centre de soins vieillot, presque désert. Pas vraiment le droit de sortir dans la ville. Rien d'autre à faire qu'attendre. Une attente rythmée par quelques habitudes, devenues des rituels.


Les repas : 8h30, 13h et 18h.

Avant chaque repas, l'appel tonitruant au micro. Celui de 8h30 nous fait souvent sursauter. On nous apporte les repas dans la chambre. Nous n'avons pas très bien compris pourquoi, mais nous n'avons pas le droit d'aller à la cantine.

À chaque fois les assiettes sont des surprises. La viande de mouton, elle, n'est plus une surprise, présente à tous les repas.

Tout comme le süütei tsaï (thé au lait salé), auquel je prends goût. 


La visite quotidienne du personnel médical, vérifiant notre température, notre tension, les battements de nos coeurs. Puis leur "normal" quand ils s'aperçoivent qu'on n'a toujours rien, qu'on va toujours bien.


Les pages des sites internet des ambassades, toujours ouvertes sur nos téléphones, qu'on consulte et réactualise régulièrement. La lecture des nouvelles qu'on se fait à haute voix, souvent par Élise.

"L'info officielle est tombée, on est bloqué.e.s jusqu'au 3 mars, 8h". 

"Ils ont fermé les frontières avec la Corée et le Japon, on est entrées à temps Mumu !". "On parle de 24 jours de suivi médical au Kazakhstan si on vient du Japon, suis-je concernée ?"

Et les scénari qu'on élabore pour la suite de chacuns de nos voyages. La conclusion qui est souvent la même : on devrait attendre, la situation peut encore changer.


Le confort de pouvoir prendre une douche, tous les deux jours c'est bien suffisant. Et celui d'avoir un lavabo pour faire quelques lessives à la main.


Les jeux dont on se souvient, auxquels on n'avait pas joué depuis longtemps : le kems, le tas de merde, le petit bac.

La sortie presque quotidienne dans le jardin, et une marche en haut de la colline voisine. Ainsi que la sortie tant attendue à la supérette du village : chocolat, biscuits, bières, chips, et épices. Le plaisir d'ajouter un peu de saveurs à nos plats, à nos journées.

Les parties de ping-pong. Le tournoi Mongolie/France n'a pas encore eu lieu, mais on est fières d'avoir gagné le mini-tournoi femmes/hommes. Une petite leçon à Dawka, notre sympathique chauffeur sexiste, ça ne fait pas de mal.


Les heures passées sur nos smartphones ou dans nos livres, dans nos magazines.

Les grilles de sudoku remplies par Thomas, dont les pages utilisées nous serviront pour allumer le feu dans les prochaines yourtes.


Les sujets de discussion divers et variés.

Les morceaux de vie racontés à ces covoyageur.euse.s, copaines de galère, colocataires éphémères.


Les programmes télévisés mongols et les interprétations qu'on en fait.


On ne manque de rien, presque pas de patience et surtout pas d'humour. Comme dit Manon : "Et bah, on a atteint la quarantaine plus vite que prévu !".

On a quand même hâte de pouvoir déclamer en cœur "On the road again !".