"Le Transsibérien, ce sont deux rails parallèles posés devant soi sur des milliers de kilomètres par décision du Tsar à une époque où rien ne justifiait qu'on fît un détour pour contourner une isba ou un village qui se seraient trouvés sur le tracé. Donc, ça va tout droit. La plaine passe et chaque minute est fidèle à la précédente."

Sylvain Tesson, L'Axe du loup, 2004



Le Transsibérien, Транссибирская магистраль (Transsibirskaïa maguistral) ou Транссиб (Transsib), est le nom de la voie ferrée la plus longue du monde. 9288 kilomètres.


17 mars 1891.

Le Tsar Alexandre III proclame officiellement la construction d'une ligne transsibérienne devant relier l'Oural au Pacifique. Celle-ci devrait suivre l'ancienne route de la malle-poste de Sibérie (principal itinéraire à traverser le continent avant l'avènement du train) jusqu'à Irkoutsk, puis traverser les régions sauvages du lac Baïkal, de l'Amour et de l'Oussouri pour rejoindre Vladivostok, terminus oriental. Les motivations sont principalement militaires et économiques et le projet concrétise la domination russe sur le plus vaste territoire de la planète.

Le tsar envoie son fils héritier Nicolas assister à la pose de la première pierre à Vladivostok, le 31 mai 1891.


Le chantier est divisé en plusieurs tronçons et il commence simultanément par les deux extrémités.

Première difficulté : la Sibérie est très peu peuplée. Il a fallu construire des gares, peupler ces endroits, installer des villages pour ravitailler le chantier. Novossibirsk, aujourd'hui troisième plus grande ville de Russie, a été fondée en 1893 près du pont du chemin de fer enjambant l'Ob.

Du début du chantier à la veille de la Première Guerre Mondiale, 5 millions de personnes viendront s'installer en Sibérie. C'est 10 fois plus que durant les 3 décennies qui ont précédé la construction du Transsibérien.

Les ingénieurs sont confrontés aux difficultés techniques du terrain : forêts, marais, montagnes, fleuves et crues.

Sur le terrain, la main d’œuvre vient de loin et est souvent forcée. Elle travaille dans des conditions épouvantables : sous-équipée, journées très longues, météo extrême, épidémies, attaques de bandits et même de tigres.


Une quinzaine d'années après le premier coup de pioche, la ligne est utilisée pour le transport de troupes et de marchandises.

Aux abords du Lac Baïkal, ce sont des bacs et des brises-glace qui transportent les wagons dès 1900. Ceux-ci sont trop sujets aux aléas météorologiques et ne sont pas assez rapides pour acheminer les troupes au front lors de la guerre russo-japonaise de 1904. La solution de poser les rails sur la glace ne s'avère pas concluante et la construction du Circumbaïkal (voie ferrée longeant le lac) se précise donc. Face à cet obstacle naturel colossal, un chantier colossal : 39 tunnels et plus de 100 ponts et viaducs, pour 260 km de voie. Les premiers trains y circuleront à l'automne 1905.


5 octobre 1916.

La ligne du Transsibérien est entièrement achevée avec l'ouverture du pont sur l'Amour, à Khabarovsk. 

Pour leur plus grand plaisir, les passagers pourront désormais emprunter cette voie légendaire, que des travailleurs, souvent forcés, ont eux-même empruntée, s'ils n'y ont pas laissé leur vie. Même trajet, mais sort ô combien différent !


Le passager de la ligne du Transsibérien a le choix entre différents trains, plus ou moins luxueux. Le plus rapide fait le trajet complet en une semaine. 

Les trains qui circulent d'un bout à l'autre de la voie traversent 7 fuseaux horaires. Tous ces trains, ainsi que chacune des quelques 1000 gares de la ligne, sont à l'heure de Moscou (UTC+3), et non à l'heure locale.

Dans les trains pour les longs trajets, on retrouve généralement les 3 classes : СВ (SV, un compartiment de 2 couchettes), купе (coupé, un compartiment de 4 couchettes),

et плацкарт (platskart, wagon ouvert avec une quarantaine de couchettes).

Pour les courts trajets, l'intérieur des wagons ressemble à celui des trains classiques ; on y voyage assis. 

Le самовар (samovar) est toujours présent, assurant de l'eau chaude pour le thé, tradition russe, à tout moment du voyage. 

Et la проводница (prodvonista), ou le проводник (provodnik), est disponible 24h/24 pour prendre soin des passagers de son wagon.


Après le lac Baïkal, les choix de traversées légendaires se diversifient. À Oulan-Oude, la ligne du Transmongolien passe par Oulan-Bator pour terminer à Pékin. À Tchita, le Transmandchourien mène également à Pékin, en passant par Haerbin.

Avant le lac Baïkal, la ligne Magistrale Baïkal-Amour (BAM) se sépare du Transsibérien à Taïchet pour passer par les coins les plus isolés à quelques centaines de kilomètres plus au nord pour terminer en face de l'île Sakhaline, sur le Pacifique.


Au cours de mes recherches, j'ai découvert que le plus long voyage en train serait de relier Lisbonne à Honk-Kong. Ça me laisse rêveuse pour la suite...