Jeudi 21 novembre. Une journée consacrée aux transports commence. J'ai d'abord un train de 4h pour rejoindre une gare de la ligne du Transsibérien (Tioumen) puis un train de nuit pendant 14h qui m'amènera à la ville où je passerai le week-end (Novosibirsk).


Les aventures commencent dès le matin. Je sors de mon auberge de jeunesse, dont les chambres sont situées dans les anciennes cellules de la prison du château. Sur la place rouge de Tobolsk, le ciel est splendide, les chants religieux qui s'échappent de l'église sont envoutants et l'air s'est adouci. Il ne fait que -13°C.

Après deux bus, l'aide de quelques grands-mère et un toc-toc à la vitre du conducteur qui repartait sans que j'ai eu le temps de descendre, me voilà à la gare de Tobolsk, à 12 km de son kremlin et de ma prison. Le train arrive dans 25 minutes, je n'avais pas prévu si large en temps finalement.


Wagon n°18. La jeune provodnitsa ne me fait pas entrer, elle appelle un collègue, elle téléphone à des chefs. Je termine devant le compartiment du chef de train, quelques wagons plus loin. Je ne comprendrai pas quel était le problème mais quelques minutes plus tard, tout semble réglé. 11h30, le train part dans 5 minutes et je n'ai pas le temps de remonter tous les wagons par le quai. Le chef me dit de passer par l'intérieur. C'est parti pour la traversée de 12 wagons surchauffés à 27°C, où se mêlent images de nourriture et de passagers en tenues d'intérieur, et de ces entre-wagons en partie recouverts de glace. En d'autres mots, je traverse la Russie ! 


À mon arrivée à la couchette n°11, les gars assis dessus me la libère à la hâte. Je m'assieds, j'ai chaud ! Après m'être libérée de mes sacs et de mes couches supérieures de vêtements, je jette un coup d’œil à la fenêtre. Je remarque les gouttes de condensation qui quittent lourdement la fenêtre pour venir m'éclabousser. Ce n'est pas désagréable.


Je sors mes petites graines de tournesol, telle une vraie бабушка (baboushka).

Кола (Kola, de Nikola) me tend une pomme de pin en me disant "present". Je le remercie et la pose sur la table.


Quelques minutes plus tard, voyant que je ne touche pas à son cadeau, il me montre qu'on peut l'ouvrir et manger les graines à l'intérieur. Je n'avais jamais fait ça. Je passe donc la demi-heure qui suit à décortiquer ma pomme de pin et à en grignoter les pignons.

Je dois avoir l'air d'aimer ça puisque Кола m'en offre une autre. Il tient à la prendre en photo et à y inscrire le terme en russe : кедровая шишка (kédrovaya chichka).


Ensuite, c'est le poisson séché que je découvre. Son nom : окунь (okoun'). Là encore, Кола tient à m'apprendre à le nommer et le fait poser pour la photo. Il me montre aussi comment le manger, c'est bon !



En face, Сергей (Sergueï) m'a servi de la bière tiède. J'en conclus donc que seul l'alcool fort est interdit à bord, ou bien que la bière n'est pas considérée comme de l'alcool...


Je descends du train. Le temps d'une intense conversation à l'écrit sur le salariat et l'argent, et me voilà dans le train suivant. Je remarque sur le panneau d'affichage que celui-ci, le n°100, relie Moscou à Vladivostok. Je suis impressionnée.


Ça se bouscule sur le quai, devant le wagon n°16. Un groupe de personnes avec des montagnes de bagages, tous plus gros qu'eux, se hâtent de tout charger. Cela se passe sous les "Давайте ! Давайте ! (Allez-y ! Allez-y !)" de la provonitsa, et j'en prends aussi pour mon grade. Je parviens à me faufiler parmi ces tas de valises et à rejoindre ma couchette, la n°21. 


Je suis entourée de très jeunes militaires. Ils ont tous le crâne rasé, les mêmes vêtements, la même chapka, le même sac. Ils ont la même trousse de toilette !

À 18h pétantes, je m'amuse à les regarder déballer leur panier repas. Il ne fait pas vraiment envie, ils ont l'air de partager mon point de vue.


J'en profite pour rédiger ce texte et le précédent, pour lire une nouvelle de Gogol aussi.

Puis je m'endors tranquillement.


Le matin, c'est la provonitsa qui me réveille : "один час (une heure)". Mince, je suis encore perdue dans les changements de fuseaux horaires. Juste le temps d'émerger et me voilà sur le quai.

Devant le bâtiment vers pétant de la gare de Novosibirsk, les -18°C terminent de me réveiller.